Lettre d’opinion, 8 mars… Appel à nos filles et nos fils!

8 mars… appel à nos filles et nos fils!

Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, constitue un moment opportun pour se souvenir des gains issus des luttes féministes, pour rappeler la précarité des acquis, pour mettre en lumière les inégalités qui, malgré tout, perdurent. C’est pour vous, nos filles et nos fils, que nous menons sans relâche le combat pour l’égalité, c’est à vous que revient la responsabilité de faire fructifier cet héritage. Vous croyez que ce dossier est réglé? Détrompez-vous, le travail est colossal et l’issue demeure incertaine! Une évidence s’impose, pour y arriver, nos fils doivent être aux côtés de nos filles pour que cessent les violences faites aux femmes, pour que l’égalité des chances soit réelle, pour qu’enfin le règne du patriarcat soit révolu!  

 

Il n’y a pas si longtemps, les Québécoises n’avaient pas le droit de vote, elles ne l’ont obtenu qu’en 1940. Les femmes mariées ne détenaient pas la pleine capacité juridique, c’est-à-dire qu’elles ne pouvaient pas gérer leurs biens personnels, intenter une action en justice, exercer une profession, ouvrir un compte bancaire, et ce jusqu’en 1964. Avant 1970, les violences conjugales étaient considérées comme un problème du domaine privé. Ce n’est qu’en 1968 que l’adoption de la loi sur le divorce a permis de reconnaître, comme motifs de séparation, les cruautés mentales et physiques. Les premières maisons d’aide et d’hébergement pour femmes violentées dans un contexte conjugal et leurs enfants apparaissent au début des années 1970. Puis, c’est en 1995 que la première politique interministérielle d’intervention en matière de violence conjugale voit le jour. À vous, nos filles et nos fils, ces événements peuvent sembler relever de la préhistoire, mais c’était seulement hier!

 

Aujourd’hui, si les femmes ont le droit de vote, elles demeurent sous-représentées dans les lieux décisionnels; si elles peuvent exercer une profession, elles touchent un salaire inférieur à celui des hommes; s’il leur est permis d’avoir un compte bancaire, elles sont plus nombreuses à faire face à la pauvreté; si elles peuvent porter plainte, les violences conjugales et les agressions à caractère sexuel échappent à des sentences justes et dissuasives. Aujourd’hui, le Québec compte quelque 150 maisons d’aide et d’hébergement, dont une trentaine de ressources de 2e étape qui interviennent en contexte de violences postséparation. Toutefois, ces organismes demeurent la cible d’attaques de groupes masculinistes antiféministes, qui tantôt remettent en question la pertinence de ces refuges, tantôt menacent leur personnel, toujours contestent les statistiques concluantes quant au fait que ce sont très majoritairement les hommes qui agressent et les femmes qui subissent. Malgré les adoptions successives de politiques d’intervention et de plans d’action par le gouvernement du Québec, malgré les efforts nationaux de sensibilisation, les violences conjugales demeurent banalisées, occultées, mal comprises et les féminicides continuent de faire rage. Le plus récent rapport en matière de violences conjugales et d’agressions à caractère sexuel, titré Rebâtir la confiance, ne compte pas moins de 190 recommandations, comme quoi il reste des ponts à construire! Malgré l’expertise des maisons d’aide et d’hébergement, lorsque leurs porte-paroles prennent position, défendent un point de vue, tentent de rectifier une information erronée, elles sont invariablement taxées de chialeuses ou de maudites féministes! Pour ajouter l’insulte à la blessure, les mêmes propos, rapportés par un homme, trouvent davantage écho auprès de la population. À vous, nos filles et nos fils, ces constats peuvent sembler désespérants, mais l’égalité des genres ne saurait souffrir aucun faux-fuyant, aucun compromis! Serez-vous les allié.e.s qui marqueront positivement l’histoire?

 

Pour demain, nous rêvons d’une société qui n’endosse ni ne tolère aucune justification entourant les violences conjugales… jamais plus de ce n’est pas ma faute, jamais plus de j’ai perdu le contrôle, jamais plus de c’est parce que je suis stressé, c’est parce que j’avais bu, jamais plus de la violence est une maladie, etc. Nous rêvons d’une solide mobilisation où les hommes luttent aux côtés des femmes pour une société égalitaire, pour une société où les femmes et les enfants sont en sécurité, pour une société où les femmes ne sont pas tuées parce qu’elles sont des femmes. Nous rêvons à une éducation non sexiste où filles et garçons ont accès aux mêmes modèles, aux mêmes opportunités. Nous rêvons à une compréhension commune du problème des violences conjugales, à un traitement judiciaire plus conséquent. Nous rêvons d’une société où les 190 recommandations de Rebâtir la confiance sont concrétisées… pour un avenir égalitaire, sans violences!

 

Monic Caron et Nancy Gough

Pour L’Alliance GÎM des maisons d’aide et d’hébergement